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Les habits neufs de l’Empereur : un conte d’Andersen
14 minutes Posted Feb 4, 2012 at 2:14 pm.
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Les habits neufs de l’empereur (du grand duc, avait écrit Andersen) est un magnifique conte de Hans Christian Andersen sur la vanité, la discipline de l’esprit, la crainte que peut avoir chacun de ne pas partager, à certains moments, l’enthousiasme ou la folie générales, et la nécessité, pourtant qu’il y a à ne pas se laisser gagner par elles.
 
Et, pour une fois, c’est un conte qui, s’il est didactique, est également drôle – ce qui n’est pas souvent le cas chez cet auteur.




Il y a de longues années vivait un empereur qui aimait par-dessus tout les beaux habits neufs ; il dépensait tout son argent pour être bien habillé. Il ne s’intéressait nullement à ses soldats, ni à la comédie, ni à ses promenades en voiture dans les bois, si ce n’était pour faire parade de ses habits neufs. Il en avait un pour chaque heure du jour et, comme on dit d’un roi : « Il est au conseil », on disait de lui : « L’empereur est dans sa garde-robe. »

La vie s’écoulait joyeuse dans la grande ville où il habitait ; beaucoup d’étrangers la visitaient. Un jour arrivèrent deux escrocs, se faisant passer pour tisserands et se vantant de savoir tisser l’étoffe la plus splendide que l’on puisse imaginer. Non seulement les couleurs et les dessins en étaient exceptionnellement beaux, mais encore, les vêtements cousus dans ces étoffes avaient l’étrange vertu d’être invisibles pour tous ceux qui étaient incapables dans leur emploi, ou plus simplement irrémédiablement des sots. « Ce seraient de précieux habits, pensa l’empereur, en les portant je connaîtrais aussitôt les hommes incapables de mon empire, et je distinguerais les intelligents des imbéciles. Cette étoffe, il faut au plus vite la faire tisser. »

Il donna d’avance une grosse somme d’argent aux deux escrocs pour qu’ils se mettent à l’ouvrage. Ils installèrent bien deux métiers à tisser et firent semblant de travailler, mais ils n’avaient absolument aucun fil sur le métier. Ils s’empressèrent de réclamer les plus beaux fils de soie, les fils d’or les plus éclatants, ils les mettaient dans leur sac à eux et continuaient à travailler sur des métiers vides jusque dans la nuit. J’aimerais savoir où ils en sont de leur étoffe, se disait l’empereur, mais il se sentait très mal à l’aise à l’idée qu’elle était invisible aux sots et aux incapables. Il pensait bien n’avoir rien à craindre pour lui-même, mais il décida d’envoyer d’abord quelqu’un pour voir ce qu’il en était. Tous les habitants de la ville étaient au courant de la vertu miraculeuse de l’étoffe et tous étaient impatients de voir combien leurs voisins étaient incapables ou sots. Je vais envoyer mon vieux et honnête ministre, pensa l’empereur. C’est lui qui jugera de l’effet produit par l’étoffe, il est d’une grande intelligence et personne ne remplit mieux sa fonction que lui. Alors le vieux ministre honnête se rendit dans 1 l’atelier où les deux menteurs travaillaient sur les deux métiers vides. Mon Dieu ! pensa le vieux ministre en écarquillant les yeux, je ne vois rien du tout ! Mais il se garda bien de le dire. Les deux autres le prièrent d’avoir la bonté de s’approcher et lui demandèrent si ce n’était pas là un beau dessin, de ravissantes couleurs. Ils montraient le métier vide et le pauvre vieux ministre ouvrait des yeux de plus en plus grands, mais il ne voyait toujours rien puisqu’il n’y avait rien. « Grands dieux ! se disait-il, serais-je un sot ? Je ne l’aurais jamais cru et il faut que personne ne le sache ! Remplirais-je mal mes fonctions ? Non, il ne faut surtout pas que je dise que je ne vois pas cette étoffe. »Eh bien ! vous ne dites rien ? dit l’un des artisans. Oh ! c’est vraiment ravissant, tout ce qu’il y a de plus joli, dit le vieux ministre en admirant à travers ses lunettes. Ce dessin ! … ces couleurs ! … Oui, je dirai à l’empereur que cela me plaît infiniment. Ah ! nous en sommes contents.