Aldor (le podcast)
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Terre des hommes (de Saint-Exupéry)
19 minutes Posted Apr 13, 2017 at 4:00 pm.
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A la fin de Terre des hommes, Antoine de Saint-Exupéry parle du rôle de sentinelle du monde et de l’esprit qui est donné à chacun d’entre nous, de la possibilité d’éveil et de grandeur que le long cheminement des générations nous a permis d’atteindre et nous permet d’attendre, et de l’écrasement muet où sombre le plus souvent cette attente, brisée par l’indifférence, le sommeil et l’oubli. Tel est l’objet du passage ici lu et enregistré.
Terre des hommes est un livre magnifique, que j’ai découvert il y a peu, injustement relégué qu’il était, dans mon esprit, par la connotation scolaire qui lui était malheureusement attachée. Bien qu’écrit à la veille de la guerre, il est un chant à l’homme, à sa beauté, à sa grandeur, un hymne à ces enfants de Prométhée qui trop souvent oublient leur ascendance et la part de divin qu’ils recèlent.
La guerre est présente ; elle apparaît dans le passage lu, et Antoine de Saint-Exupéry voit bien en quoi la pauvre humanité, en soif de solidarité, de sens, de chaleur et d’amour, peut en trouver comme un ersatz dans la camaraderie des chambrées et la fraternité des armes :
“Dans un monde devenu désert, nous avions soif de retrouver des camarades : le goût du pain rompu entre camarades nous a fait accepter les valeurs de guerre. Mais nous n’avons pas besoin de la guerre pour trouver la chaleur des épaules voisines dans une course vers le même but. La guerre nous trompe. La haine n’ajoute rien à l’exaltation de la course.”
Mais il ne s’agit que d’un amour de hasard et de rencontre, suivi faute d’autre chose parce que l’homme, au fond de lui, a toujours besoin de se sentir homme, qu’il se sent homme dans le don de soi aux autres et que “la vérité, pour l’homme, c’est ce qui fait de lui un homme“. Et Saint-Ex, de dire tous ces faux combats, toutes ces fausses querelles que nous faisons nôtres au seul motif que, combattant pour eux, les épousant, nous nous sentons enfin dignes de nous-mêmes…
La vérité, pourtant, n’est pas dans le combat. La vérité, s’il faut en trouver un critère, est dans la simplification, l’unification du monde : “La vérité, ce n’est point ce qui se démontre, c’est ce qui simplifie.“.
C’est de cette simplification du monde, de cette compréhension du monde, de cette insertion et fusion dans l’intimité du monde, que nous avons faim :

“Ce que nous sentons quand nous avons faim, de cette faim qui poussait les soldats d’Espagne sous le tir vers la leçon de botanique, qui poussa Mermoz vers l’Atlantique Sud, qui pousse l’autre vers son poème, c’est que la genèse n’est point achevée et qu’il nous faut prendre conscience de nous-mêmes et de l’univers. Il nous faut, dans la nuit, lancer des passerelles.“.

Mais il faut, pour cela, ne pas être dans le sommeil. Il faut réaliser, savoir, sentir, ressentir, et ne pas avoir été abandonné, ne pas avoir été aliéné, ne pas s’être laissé trop désapprendre de soi-même. Or c’est cela qui nous guette :

“Il est deux cents millions d’hommes, en Europe, qui n’ont point de sens et voudraient naître. L’industrie les a arrachés au langage des lignées paysannes et les a enfermés dans ces ghettos énormes qui ressemblent à des gares de triage encombrées de rames de wagons noirs. Du fond des cités ouvrières, ils voudraient être réveillés.
Il en est d’autres, pris dans l’engrenage de tous les métiers, auxquels sont interdites les joies du pionnier, les joies religieuses, les joies du savant. On a cru que pour les grandir il suffisait de les vêtir, de les nourrir, de répondre à tous leurs besoins.